Bien-être au travail : le babyfoot et la switch ne suffisent pas
La prise de conscience est certes relativement récente, mais elle est aujourd’hui largement partagée : la santé mentale fait partie intégrante de la santé. Pour autant, il est encore difficile aujourd’hui, pour beaucoup de salariés comme d’employeurs, de la considérer comme un sujet de santé au travail à part entière.
Or, puisqu’il n’y a pas de santé sans santé mentale, c’est aussi l’affaire de l’entreprise que de se soucier, et de préserver le bien-être psychologique de ses salariés, comme elle a le devoir de préserver leur bien-être physique.
Il est donc aujourd’hui urgent de dépasser les tabous persistants, et de faire entrer la santé mentale en entreprise, pour accompagner nos équipes dans une meilleure prévention, et un meilleur accompagnement des souffrances au travail.
Un salarié français sur deux est en état de détresse psychologique
C’est le chiffre affolant dévoilé par un baromètre OpinionWay en mars dernier. Dans le même temps, une autre étude récente montre que 9 salariés sur 10 pensent que leur vie professionnelle a des conséquences sur leur état psychologique, et ce, même en dehors de leurs horaires de travail, et qu’à l’inverse, leurs problèmes personnels se ressentent sur leur humeur au bureau.
Malgré cela, la plupart des salariés disent n’avoir jamais évoqué ce sujet avec leur supérieur hiérarchique, et beaucoup d’entreprises se posent encore la question du rôle qui doit être le leur en matière de santé mentale.
Parmi les interrogations courantes : Comment identifier les causes du mal-être ? Est-ce vraiment le rôle des organisations ? Où commence le terrain du personnel et de l’intime ? Sans parler de ceux, de moins en moins nombreux heureusement, qui continuent d’associer le sujet de santé mentale à une faiblesse, et ne le considèrent que sous l’angle de la baisse de performance.
Mais notre monde change. Les habitudes de travail se redessinent, et les frontières vie pro/vie perso sont plus poreuses, au profit de la quête de sens et de réalisation de soi, dans toutes les facettes de notre vie. Il est donc temps de faire voler ces tabous en éclats et d’assumer nos responsabilités. Car oui, l’entreprise a un rôle à jouer dans la santé mentale de ses salariés.
Le travail c’est (aussi) la santé (mentale)
Il y a globalement une grande hypocrisie, liée à un effet de mode, autour du bien-être en entreprise. Comme si “être une boîte cool”, qui fait des apéros et met des corbeilles de fruit à disposition, suffisait à compenser des horaires à rallonge ou une pression excessive.
La bienveillance, comme toutes les valeurs, ça ne se décrète pas, ça s’incarne. De fait, une entreprise ne peut être bienveillante envers ses salariés, que si ses dirigeants incarnent cette valeur dans leurs comportements, et la font infuser, auprès des managers, et à travers toute l’entreprise.
Or, en tant que dirigeants, nous avons au regard de la loi l’obligation de protéger nos salariés et de prévenir les risques psychosociaux. En d’autres termes, de mettre en place les conditions d’une santé mentale saine au travail. Cela passe par trois briques : sensibilisation / empathie / écoute.
Il est de notre rôle d’employeur de sensibiliser nos équipes sur l’importance de prendre soin de sa santé mentale, comme on peut chacun être encouragé, au travail et ailleurs, à prendre soin de notre santé physique. Dans mon entreprise, cela passe, entre autres, par des ateliers pédagogiques, pour aider les salariés à comprendre comment fonctionnent notre cerveau, nos émotions, et à savoir détecter les signaux de détresse, chez soi-même comme chez ses collègues.
Ensuite, mettre en place des modes de management empathiques, c’est-à-dire veiller à ne pas dépasser une certaine intensité de travail, respecter l’autonomie de chacun, favoriser les relations apaisées au sein des équipes, et désamorcer les situations de conflit potentielles. Une posture qui implique souvent de revoir les modes de management traditionnels pour tendre vers un encadrement moins descendant et plus transverse.
Et enfin, adopter une posture d’écoute, pour détecter les situations de souffrances, afin de pouvoir orienter et accompagner les salariés concernés vers les structures et professionnels adaptés, voire, comme nous l’expérimentons en ce moment dans mon entreprise, en donnant accès, de manière gratuite et anonyme, à des consultations avec des psychologues.
Le chemin est encore long pour considérer la santé mentale au travail à sa juste place, mais les choses progressent. Au début de l’été, le programme de formation MHFA (Mental Health First Aid), né en Australie et déployé en France depuis Lyon, annonçait 60 000 secouristes en France, formés aux Premiers secours en santé mentale. C’est un début.
Par d’Adrien Desportes, Cofondateur et General Manager de Rtone
©Image de pch.vector sur Freepik