Quand la parole au pouvoir rencontre le pouvoir de la parole

Dans l’arène des affaires, l’art oratoire n’est plus une option. Parce qu’un dirigeant, capable de brandir son verbe avec éloquence, exhausse les Hommes et l’avenir de son entreprise.
À quoi sert-elle, une parole, si elle n’est pas singulière ?
Dans un monde convenu, orthodoxe, enkysté dans le grégaire, une parole singulière autorise l’incursion d’une irréductible unicité, au sein d’une masse insipide et morne.
Lorsque cette parole est celle d’un dirigeant, le « je » du verbe octroie à sa singularité la ressource d’être plurielle, pour s’adresser au « nous ».
Adopter l’étendard de la parole, pour bien l’installer dans les espaces qui sont l’expression de son autorité et de sa gouvernance, est la responsabilité de tout chef d’entreprise. Ne pas s’en saisir correspond à une marche loupée de l’intelligence entrepreneuriale. Prendre en main sa parole, autrement qu’en la polissant selon les diktats de la langue de bois, du politiquement correct et des éléments de langage, signifie choisir l’ordonnée plutôt que l’abscisse, la verticalité plutôt que l’horizontalité.
Un chef n’est pas dans la reptation. Il ne s’abandonne pas à une parole conventionnelle qui n’a d’autre contenu que le fade qu’elle enferme.
Se satisfaire de ses à peu près ou confier ses expressions à une cohorte de communicants, habiles à gonfler les discours de néant, n’a qu’une conséquence : avachir sa stature et priver ses messages d’incarnation.
Pourquoi laisser que les terrains de la vie en entreprise se fécondent de la croissance d’une langue débilitante d’énoncés stéréotypés ? Le quatuor « Performance, compétitivité, efficacité et innovation » farcit maintes discours déjà bourrés de formalismes obscurs. Connaissez-vous un chef capable de véhiculer des messages percutants, sans téter ces termes avec l’avidité d’un chaton pour les mamelles de sa mère ?
Pour que la parole d’un dirigeant porte, il doit mettre son aptitude oratoire à la hauteur de la beauté de ses causes.
Avec les intelligences et la culture dont il dispose, il lui appartient d’élaborer une parole chargée du meilleur coefficient de pénétration : dans les esprits pour les convaincre ; dans les coeurs pour en sculpter les émotions.
Un certain pragmatisme préfère les actes aux paroles, oubliant que si « Dire, ce n’est pas faire », s’exprimer, c’est déjà agir.
Comment se fait-il, alors, qu’en entreprise, où l’influence est toujours préférable à l’injonction, la persuasion toujours plus efficace que la contrainte, l’autorité de la stature plus engageante que le pouvoir du statut, l’art oratoire soit si peu professé ?
Un bon dirigeant est un bon orateur
La vie des organisations ne permet guère d’échapper à la maîtrise de cet art.
Si l’art du management est, essentiellement, un art de la parole, alors un chef est celui qui sait trouver les mots.
Ces mots qui transmettent sa voix et son mouvement intérieurs. Ces mots qui précèdent les actes, les soutiennent et les justifient. Ces mots qui, baignés dans une sincérité intransigeante, sauront ramener ses interlocuteurs à sa cause.
C’est par le verbe qu’il galvanise les équipes et les embarque dans des projets stratégiques. C’est par le verbe qu’il devient l’orfèvre du dialogue social et des débats sociétaux.
Peut-on avoir le courage coincé au fond du larynx, lorsqu’on mène les esprits ?
Dans le maquis du réel d’une entreprise, la parole d’un dirigeant est la lumière qui montre le chemin entre un message clair, précis, cohérent et les 3 morceaux de la même croix : l’incertitude, l’indécision et le doute.
L’art oratoire n’est ni une excroissance périmée, ni un ornement révolu de la communication d’un dirigeant. Il n’est pas à la marge. Il en est le centre et en sera le vestige.
Certes, les mots d’un chef sont des étoiles provisoires, mais ô combien nécessaires pour susciter un élan d’ardeur, un investissement et siffler quand la résignation menace.
Sans la maîtrise de l’art oratoire, toute communication est en déroute. Déroute de la pensée qui ne sait pas se structurer en situation. Déroute des arguments, remplacés par des exercices d’acrobaties verbales et des parades de ventriloques. Déroute des mots qui, quand ils ne ricanent pas dans l’ombre, restent affalés dans une platitude insolente.
Voilà alors, le chef d’entreprise proférer des propos comme des os à ronger. Et dans la disette oratoire qui l’accable, avoir la prétention que son auditoire les prenne.
L’alliance de la rhétorique et de l’éloquence autorise le plus important :
- La sortie du prêt-à-penser managérial
- Le rejet d’un argumentaire filandreux à la faveur d’arguments vertébrés
- La récusation du jargon, des phrases rachitiques, des anglicismes qui cachent des concepts bouffis de prétention.
La parole est un acte de leadership
La parole est un acte car elle les fait naître.
C’est une force agissante qui change la réalité, parce qu’elle est moins ce qu’elle dit que ce qu’elle suscite. Lorsqu’un chef d’entreprise s’avance, se pose, s’expose, visage nu, pensées ouvertes, prêt à mettre ses propos en partage, il n’ose pas simplement la « prendre ». Il endosse la responsabilité de la fonder, de la tenir, de l’habiter, de la porter, de l’adresser, de l’assumer.
Dans sa parole il y mettra une coulée de vie, son tempérament et l’esprit qui l’inspire. Il dira pour se dire et transmettre. C’est là que sa communication s’apparentera à une communion avec son auditoire. Il ignore tout de ce que ses mots pourront faire éclore. Ce qui est sûr, c’est qu’en secouant le capuchon de l’éloquence, il se donne les moyens de perfuser sa vision, façonner les perceptions et vivifier les émotions.
Diriger par les mots, c’est écrire à voix haute des histoires engageantes.
Sélectionné avec finesse, ce qui est digne d’être raconté pose un socle solide sur lequel monter, pour aller toucher sensibilités et intelligences.
Qui mieux qu’un chef d’entreprise pour savoir que le réel se rit de ses discours !
Et pourtant, ce réel – qui tient absolument à être perçu et qui refuse d’aller se faire voir ailleurs – est l’ingrédient qui nourrit tous les récits. Par une narration bien élaborée, pleine et charnue, un dirigeant peut l’agrandir considérablement, pour mieux l’habiter et l’influencer. Une histoire commune qui, s’appuyant sur le passé, densifie le présent pour dessiner le futur, a un double mérite : cristalliser les fondamentaux de l’entreprise, témoigner d’un acte de confiance.
Alors, à la prochaine occasion de prise de parole, délivrez-vous de l’épais édredon de propos confus et banals !
Une assemblée sera là pour écouter un dirigeant. Elle entendra un Homme prêt à élancer une parole singulière. Un chef en mesure de la faire virevolter avant de la poser sur les coeurs et les esprits.
Un leader capable de verser la richesse du rôle qu’il a, non pas sur le compte de ce qu’il est, mais sur le partage de sa puissance.
Puisque l’art oratoire est à la fois art de persuader et science du bien dire, mettez-le dans votre business et non à côté !
Par Vanna Araldi, Consultante et formatrice en art oratoire, fondatrice de « La Parole Élancée