Absentéisme : un enjeu financier, mais pas seulement

Le coût de l’absentéisme est probablement de plus de 100 milliards d’euros par an en France. Il a augmenté de manière significative en septembre 2023 lorsque la Cour de Cassation, se conformant à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), admet que le salarié peut acquérir des congés payés pendant sa maladie d’origine non-professionnelle.

Ainsi, le calcul des droits à congés payés ne sera donc plus limité à la première année de l’arrêt de travail. Cela revient de facto à augmenter le coût de l’absentéisme longue durée d’origine non professionnelle de 10%.

Alors quels sont les coûts dont nous parlons, qu’ils soient directs ou indirects ?

L’indemnisation de l’absence

Elle dépend des avantages sociaux qu’offre l’entreprise. Y’a-t-il prise en charge de la carence ? L’entreprise assure-t-elle la subrogation ? L’entreprise a-t-elle prévu un contrat de prévoyance pour garantir tout ou partie du complément de salaire au-delà des indemnités journalières de sécurité sociale ? En fonction des réponses à ces questions, un chiffrage de ce premier poste de dépense peut être facilement réalisé.

Le remplacement de l’absence

Remplacer ou non les absents ? Admet-on de faire supporter la charge de travail aux présents ? Selon la manière dont on va remplacer l’absence (heures supplémentaires, contrat à durée déterminée, intérim), les coûts ne seront pas les mêmes. S’ajoutent à ces « sursalaires » des coûts de recrutement, d’intégration et de formation quand il s’agit de faire appel à des contrats à durée déterminée ou à de l’intérim.

La gestion de l’absence

Il s’agit du temps de management et du temps d’administration du personnel. Ce dernier type de coût peut être estimé même s’il est difficile d’être précis dans les temps réellement consacrés à la gestion des absents et à leur remplacement.

Et ces coûts directs ne sont pas les seuls à évaluer pour parvenir à une estimation exhaustive. Il convient également de chiffrer les coûts indirects, qui englobent l’ensemble des conséquences de ces absences, l’absentéisme ayant des effets néfastes sur les dimensions sociale, organisationnelle et commerciale du travail… Des volets très complexes à mesurer.

Absentéisme et démotivation… qui engendre de l’absentéisme

L’absentéisme a de nombreuses conséquences sociales. Au-delà du fait qu’un fort taux d’absence est souvent dû à des problèmes d’ambiance et de climat social, l’absentéisme engendre également de la démotivation. En effet, même si face à l’absence d’un collègue, les collaborateurs ont tout d’abord tendance à être solidaires, quand la situation se prolonge ou devient trop fréquente, elle produit une surcharge sur les présents, même en cas de remplacement. Elle finira par engendrer de la fatigue et de la démotivation. A la clé, le travail souffrira de baisses d’efficacité et de qualité. Et les salariés alors présents finiront par s’absenter eux-mêmes…

Absentéisme et désorganisation… qui engendre des coûts

L’absentéisme est une source de désorganisation du travail car il perturbe le fonctionnement de l’entreprise. Selon le niveau de compétences et/ou d’expertise de l’absent, les conséquences peuvent être plus ou moins impactantes. Le remplacement ne résoudra pas tout. L’absence d’expérience, d’expertise et de maîtrise du remplaçant a forcément des conséquences.

Ces dysfonctionnements peuvent entraîner une baisse de qualité, de productivité et donc une dégradation de l’image de l’entreprise aux yeux de ses clients.

  • Pour les contributeurs à plus faible valeur ajoutée, ce sont, du fait de leur faible durée souvent les absences courtes, mais fréquentes qui posent problème. Elles sont difficiles à remplacer et, dès lors que le poste reste vacant, la production n’est pas réalisée.
  • Pour les contributeurs à forte valeur ajoutée, ce sont en revanche les absences longues qui sont le plus souvent pénalisantes. Leur expertise étant rare sur le marché, plus l’absence durera, plus elle coûtera cher.

Ces manques à gagner sont très difficile à chiffrer. Tout au plus, l’entreprise peut comparer les performances qu’elle a réalisées dans des périodes à faible taux d’absentéisme avec celles de périodes à fort absentéisme.

Réduire la facture, augmenter la qualité, la productivité et l’image auprès de ses clients, c’est réduire l’absentéisme ! Autrement dit, si l’on veut développer la performance et les résultats de l’entreprise tout comme le bien-être des collaborateurs, il est impératif de conduire de manière permanente une politique de prévention.

Par Anne-France Lucas, associée du Cabinet Pacte Conseil, auteure de « Ensemble, soignons l’absentéisme »

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