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Responsabilité pénale de l'entreprise au dirigeant occulte

Tribunes libres Écrit par  mercredi, 25 octobre 2023 08:37 Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
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La Chambre criminelle est venue assurer qu’aucune manœuvre ne pourrait empêcher l’application de la loi pénale, pas même l’impossibilité pour la justice d’identifier avec certitude l’organe ou le représentant légal, condition nécessaire pour poursuivre et condamner les personnes morales.

Il faut croire que des individus ont imaginé que le maintien de l’ordre public n’était qu’une vocation accessoire de la loi et que la principale était de la contourner.

C’est ainsi que, dans l’affaire soumise à l’examen de la Cour de cassation, la société demanderesse au pourvoi reprochait à la Cour d’appel d’avoir été condamnée sans que son organe ou son représentant ayant commis, pour son compte, les faits objet de la poursuite, n’ait été au préalable identifié.

Il est vrai que l’enquête et l’audience devant les juges du fond n’avaient nullement permis d’identifier son représentant légal. Malgré les diligences accomplies par la société, personne ne s’était manifesté auprès de la justice en pareille qualité. L’identité de ce dernier était donc restée occulte.

La société avait ainsi cru pouvoir se prévaloir des dispositions de l’article 121-2 du Code pénal fixant les règles de responsabilités pénales des personnes morales pour priver la loi de tout effet sur leurs agissements.

La Cour d’appel décidait toutefois de s’appuyer sur un arrêt rendu en 2009 par une autre de ses formations, laquelle avait identifié un individu en qualité de représentant de la société. En réponse à cela, la société soutenait dans son pourvoi que la Cour n’avait indiqué « aucun élément de fait de nature à caractériser un tel pouvoir de représentation ».

Qu’importe. La Cour de cassation a tranché : la volonté d’une entreprise de se soustraire à l’identification de son représentant légal ne saurait empêcher le droit de s’appliquer, et donc l’entreprise d’être condamnée.

Pour les Hauts magistrats, le fait d’empêcher volontairement l’identification du représentant légal de la société et de maintenir occulte le véritable donneur d’ordre constitue une fraude : « Ils en déduisent la volonté délibérée de la société X d'empêcher l'identification de son représentant en rendant occulte le véritable décideur, ce qui caractérise la fraude. »

Les termes de leur arrêt montrent qu’ils ont voulu aller plus loin encore en précisant que le dirigeant identifié de la société n’avait pas allégué avoir consenti une délégation de pouvoirs. Si la délégation de pouvoirs a pour objet de transférer la responsabilité pénale d’une personne à une autre, la mention faite par cet arrêt vise à établir cet acte comme seule exception à la responsabilité pénale du dirigeant qui s’est voulu inconnu.

Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 octobre 2023, n°22-84.021

Par Sahand SABER - Avocat au Barreau de Paris, HIRO Avocats

Lu 7333 fois Dernière modification le mercredi, 25 octobre 2023 09:08
Sahand SABER

Sahand SABER - Avocat au Barreau de Paris et cofondateur d’HIRO Avocats

Il en dirige la pratique dédiée au droit pénal des affaires, et assiste à ce titre les entreprises et leurs dirigeants sur le contentieux pénal de la responsabilité et les risques pénaux qu’ils encourent dans le cadre de leurs activités.

Ses domaines d’intervention recouvrent en particulier les problématiques liées à la gestion de l’entreprise (abus de biens sociaux, banqueroute, pratiques commerciales trompeuses, blanchiment, etc.), les problématiques fiscales (fraude fiscale, escroquerie à la TVA, établissement stable, etc.) et les problématiques sociales (travail dissimulé, accidents involontaires, délits d’entrave, manquement aux règles de sécurité, etc.).