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L'odyssée d'Einstein dans un monde automatisé : un conte pour questionner autrement l’IA dans les PME

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Et si les dangers de l’IA pour les entreprises n’étaient pas seulement ceux habituellement décrits ? Après avoir cerné les intérêts de recourir à l’IA pour être plus rapide, éviter les erreurs manuelles, augmenter ses marges bénéficiaires, etc., les dirigeants de PME deviennent de plus en plus méfiants, craignant les changements qu’elle leur impose en termes de positionnement et de proposition de valeur.

Mais ce qu’ils doivent comprendre, c’est que l’enjeu va aussi être d’empêcher l’IA de briser le cycle des apprentissages et la montée en compétence de leurs équipes ; et que c’est en travaillant autrement, en mobilisant d’autres compétences, qu’elles continueront à se démarquer et à s’imposer sur leur marché.

Un conte pour prendre la mesure de l’enjeu

L’histoire suivante éclaire sur cet enjeu bien mieux que de longs discours. Projetons-nous en 1900 en imaginant que l’IA soit déjà née...

1900. Une révolution silencieuse sonne dans la pittoresque ville de Berne, en Suisse : elle devient le berceau d'une transformation du monde de la propriété intellectuelle. L’intelligence artificielle (IA) s’invite au Bureau des Brevets. L’impact de son intégration dans le processus de validation des dépôts de brevets est comparable à l'impact du téléphone ou du télégraphe. Grâce à cette IA avant-gardiste, les inventeurs voient leurs idées évaluées avec une rapidité et une précision inégalée, éliminant les longs délais d'attente et les incertitudes. Les idées novatrices, depuis les mécanismes horlogers complexes jusqu'aux premières ébauches de l'automobile, sont brevetées dans des délais record, stimulant une ère de créativité et de progrès sans précédent.

Au même moment, le jeune Albert Einstein, représentant de la nouvelle génération scientifique, cherche désespérément un emploi stable. Albert, avec ses qualifications et son intérêt pour la physique théorique, se retrouve confronté à un marché du travail où ses compétences semblent dépassées par la technologie. Il erre alors de poste en poste. Mais aucun ne lui offre ni le temps, ni la stabilité nécessaire pour poursuivre ses recherches en physique.

Refusant de renoncer à sa passion, Einstein commence à fréquenter les bibliothèques et les cercles scientifiques de Berne où il rencontre des intellectuels pour débattre de sujets allant de la mécanique quantique à l'éthique de l'automatisation. Lorsqu'il tente d'initier des discussions sur l'éthique de l'intelligence artificielle et son impact sur la société, il se heurte à des résistances, plus particulièrement sur deux de ses préoccupations :

  • Premièrement, il craint que l'automatisation des tâches simples par l'IA n'entrave le développement professionnel des individus. Selon lui, en privant les travailleurs de l'opportunité de s'engager dans des tâches élémentaires, on les empêche de gravir progressivement les échelons vers des responsabilités plus complexes, brisant ainsi le parcours traditionnel d'acquisition des compétences.

  • Deuxièmement, Albert exprime des réserves quant à la confiance excessive placée dans les capacités de l'IA. Il souligne que, malgré son avancement, l'IA reste une technologie dont les processus de pensée sont opaques et souvent insondables.

Dans ce monde alternatif cependant, Einstein, freiné par un manque de ressources financières et de temps, ne partagera pas ses découvertes. Le cours de la physique et de la compréhension humaine de l'univers prendra un chemin différent, tout comme celui de l’IA qui continuera à être appliquée sans discernement.

Les enjeux sous-estimés de l’IA pour les PME

Ce conte nous montre que le remplacement des compétences humaines par l'automatisation des tâches basiques au moyen de l’IA, risque d’engendrer une dépendance envers des processus décisionnels obscurs. Or, dans un monde où l’usage de l’IA s’est démocratisé et généralisé, les réussites se construisent différemment. L’important est de ne pas être naïf et de ne pas se fier aveuglément à la technologie.

Des entrepreneurs voulant un gain rapide pourraient être tentés de faire une « ruée vers l’or technologique » en s’emparant des atouts immédiats et évidents de l’IA. Mais beaucoup risquent à moyen terme de rester sur le bord du chemin, surtout s’ils optent pour des succès immédiats à coups de suppressions de postes remplacés par de l’IA. L’enjeu est non seulement de ne pas croire que l’IA est l’or de demain mais aussi de préserver le processus de montée en compétences de ses équipes.

Face à cet enjeu, la bonne pratique, valable de tout temps et dans tout contexte, est d’être accompagné par un professionnel, si possible ayant lui-même été chef d’entreprise à l’image des Operating Partners ayant déjà vécu des « ruées vers l’or technologiques ». La force d’un Operating Partners ? Il ne sera pas attiré par des gains certes rapides et séduisants, mais risqués ; et il veillera à concevoir et à exécuter une stratégie qui rapportera beaucoup plus à l’échelle de toute l’entreprise.

Au bout du compte, la diffusion du recours à l’IA dans de nombreux pans de l’activité d’une entreprise impose de réfléchir autrement à sa façon d’exécuter son plan stratégique et donc, aux compétences qu’il faudra mobiliser. Un tout autre défi certes, mais qui va faire émerger de nouveaux talents et de nouvelles réussites.

Par Cyril Ferey, Operating Partner chez I&S Adviser

Lu 456 fois Dernière modification le jeudi, 07 mars 2024 08:35
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