Loi Hamon sur la cession d’entreprise : une fausse bonne idée

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Les dirigeants de PME sont désormais dans l’obligation d’informer leurs salariés au minimum deux mois avant la cession de leur entreprise. Drapé dans des considérations de solidarité et de bien-pensance, cet entêtement à ne pas vouloir écouter les premiers concernés nous conduit à un véritable non-sens économique.


Mauvais postulat de base

À la genèse de cette loi, il y a la constatation que de nombreuses PME mettent la clé sous la porte faute de repreneur. Permettre aux salariés de faire une offre de reprise augmenterait en toute logique ses chances de transmission et donc de survie.
Pourtant, il convient de prendre un peu de recul sur ce qui nous est présenté comme une évidence. Les PME en bonne situation financière tout d’abord se transmettent très bien. En revanche, la situation peut effectivement se compliquer pour les entreprises peu rentables. Mais, de la même manière qu’un appartement avec travaux se vend moins cher qu’un bien refait à neuf, ces PME sont plus abordables et restent donc attractives dans leur grande majorité.


Au final, les PME qui n’intéressent personne sont celles qui sont trop petites pour être vendables (ex : artisan, commerce). Pour citer une étude de l’Insee « la caractéristique principale des entreprises en France est leur petite taille. En effet, la proportion de très petites entreprises est importante, 65 % n'emploient aucun salarié, tandis que la part des entreprises dépassant 10 salariés n'atteint pas 1 %. ». Pour beaucoup de ces TPE, la transmission est effectivement difficile. Mais si elles ne sont pas jugées comme des affaires intéressantes pour un repreneur lambda, elles ne le seront certainement pas plus pour leurs éventuels salariés.

Loi contre-productive
Dans la mesure où la loi s’applique une fois qu’une lettre d’intention a été signée, cela signifie que l’entreprise a déjà trouvé un repreneur. Par nature, elle ne fait donc pas partie des PME menacées de disparition. C’est pourtant elle, et elle seule, qui est concernée par cette loi. Or en avertissant les salariés d’une cession imminente (dans les 2 mois donc, comme l’impose la loi), on s’expose au risque de perdre la paix sociale qui règne dans l’entreprise. Voilà qui pourrait effrayer le repreneur et le faire finalement renoncer à son projet de reprise.


La loi dénigre les dirigeants d’entreprise
Il semble évident qu’aucun dirigeant ne liquide son entreprise de gaieté de cœur. C’est son patrimoine, le fruit du travail de toute une vie. La liquidation n’est donc que la dernière des solutions envisagées. L’entreprise appartient au dirigeant. A lui d’en assurer la gestion et la transmission, de la manière qu’il jugera la plus efficace et la plus adéquate. Ce n’est pas à la loi de lui dicter son comportement.
Et ce d’autant plus que le premier réflexe d’un dirigeant est bien souvent d’envisager une transmission en interne. Cela permet une transition plus naturelle et légitime, avec une sensation de continuité. Mais encore faut-il trouver un salarié qui réunisse toutes les conditions nécessaires : l’envie, la capacité et les moyens financiers. Le problème des PME est bien souvent qu’elles ont du mal à se structurer, faute d’avoir atteint une taille critique. Tout repose donc sur le chef d’entreprise. N’ayant pas pu faire monter en puissance un ou plusieurs cadres dans son entreprise, il délègue très peu. Il aurait donc été plus judicieux de prendre des mesures pour aider les PME à se développer, à se structurer et donc à faire émerger de vrais repreneurs potentiels en interne.

Quoiqu’en dise la loi, personne ne peut s’improviser dirigeant d’une entreprise allant jusqu’à 250 salariés en 2 mois.
Le parcours moyen d’un cadre voulant reprendre une société dure en moyenne entre 1 ou 2 ans, le temps d’affiner son projet et de se former. Beaucoup abandonnent d’ailleurs ce projet en cours de route. Pour une personne qui n’a jamais envisagé de diriger une société, un délai de 2 mois paraît donc peu crédible.

Besoin de confidentialité bafoué
L’issue d’une opération de transmission n’est jamais certaine, et ce jusqu’au dernier moment.
Dans le monde des PME, les relations du dirigeant avec ses clients ou ses fournisseurs sont souvent très personnelles. La possibilité que ces contacts apprennent trop en amont sa volonté de céder son entreprise représente donc une vraie menace.
De la même manière, les banquiers avertis d’un éventuel projet de cession pourraient également devenir plus difficiles à convaincre en cas de recherche de financement. Or, une fois que tous les salariés auront été avertis, il est difficile d’imaginer que le secret total sera maintenu sur l’opération, et ce alors même qu’elle n’est pas encore signée et peut donc encore être annulée. Si le deal ne se réalise finalement pas et que tout l’écosystème de la PME en avait pourtant été averti, cela risque fortement de modifier l’image et la réputation de la société : d’une entreprise en bonne santé elle deviendrait une entreprise à céder.


Flou dangereux dans l’application de la loi
Le guide d’application publié par le gouvernement n’oblige qu’à une information « a minima » pour les salariés. Le dirigeant n’est pas forcé de leur fournir des renseignements concrets sur les finances ou la stratégie de l’entreprise. Comment dans ce cas, les salariés peuvent-ils réellement faire une offre de reprise ? La loi perd donc tout son sens et devient juste une contrainte supplémentaire pour le dirigeant.
Par ailleurs, il existe un profond déséquilibre entre les sanctions prévues. Si un dirigeant est accusé de ne pas avoir rempli son obligation d’information des salariés, il risque une annulation de la cession. En revanche, aucune sanction n’est prévue contre un salarié qui ne remplirait pas son obligation de confidentialité.

Une fois encore, sous couvert d’intentions certes louables, nos politiques ont imaginé une véritable usine à gaz dont on a du mal à croire qu’ils comprennent vraiment les conséquences. Déconnectés du monde de l’entreprise, ils ont finalement fait l’inverse de ce qu’ils souhaitaient et n’ont réussi qu’à complexifier un processus déjà mis en difficulté par la crise et les problèmes d’accès au financement. Bref, nous sommes encore bien loin du choc de simplification promis à cor et à cri…

Robert LACHENAL  
PDG Amkeo Corporate Finance

www.amkeo.fr

Lu 7278 fois Dernière modification le mercredi, 26 août 2015 16:21
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