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Vers encore plus de mises en cause de la responsabilité des chefs d’entreprises

Vers encore plus de mises en cause de la responsabilité des chefs d’entreprises

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L’arsenal législatif déployé ces dernières années en matière de responsabilité pénale et financière du dirigeant d’entreprise, et tout récemment en matière sociale, est impressionnant et on peut s’attendre à de plus en plus de mises en cause.


Les dirigeants d’entreprise contribuent à la richesse économique d’un pays mais dans le même temps, leurs décisions ont des conséquences envers de nombreuses parties telles que leurs actionnaires, salariés, clients, fournisseurs… Depuis quelques années, le carcan des obligations enserrant les responsables d’entreprise se fait plus lourd et contraignant comme en attestent les dispositions en matière de responsabilité pénale, fiscale, sociale… La rédaction de GPO Magazine vous propose un tour d’horizon des principaux changements qui permettent de mesurer le poids des responsabilités accrues auxquelles les dirigeants sont aujourd’hui personnellement exposés. Mais au préalable, il nous a paru intéressant de retracer le contexte dans lequel ces mesures ont été adoptées.

Quel est ce contexte ?
Tout d’abord, même si la loi rectificative pour 2014 et la loi de finances pour 2015 ne pré­sentent pas de mesures exceptionnelles, on peut noter quelques changements pour les entreprises, notamment en matière fiscale. En effet, plusieurs dispositions s'inscrivent dans la mouvance actuelle de durcissement du contrôle fiscal : alourdissement des sanctions dans le domaine des prix de transfert ou de la présentation de la comptabilité informatisée sur support dématérialisé, renforcement du droit de communication de l'administration, ou encore instauration de nouvelles mesures anti-abus en matière de TVA.
Ensuite, de grands scandales financiers tels que l’affaire Cahuzac ont ébranlé « la République exemplaire » et un nouveau dispositif législatif (lois des 11 octobre et 6 décembre 2013) a été mis en place dont l’objectif est la transparence financière.

Quels sont les principaux changements en matière de responsabilité pénale et fiscale ?
« La loi du 6 décembre 2013, n° 2013-1117 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière est venue durcir les sanctions à l’encontre des dirigeants de SA, de SARL, de SAS ou de Société en Commandite par Actions qui ont commis des infractions au droit des sociétés dont notamment des délits d’abus de biens sociaux, de distribution de dividendes fictifs, de présentation des comptes sociaux infidèles en prévoyant des peines complémentaires d’inter­diction de droits civiques, civils et de famille. Cette peine est venue s’ajouter à la peine initiale de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende (article L.241-3 du Code de Commerce) », indique Patricia Guyomarc’h, avocat du cabinet CG Guyomarc’h. Ainsi, la loi du 6 décembre 2013 traduit la volonté du gouvernement de renforcer la poursuite et la répression des infractions en matière économique, financière et fiscale. « Il s’agit d’un tournant important de la politique judiciaire car on emploie des moyens qui étaient jusque-là destinés au crime organisé. En effet, une série de dispo­sitions permet de renforcer la poursuite et la répression de certaines infractions économiques et financières, notamment en créant de nouvelles circonstances aggravantes. La loi prévoit ainsi l’aggravation des peines applicables au délit de fraude fiscale lorsqu’il est commis en bande organisée, ou réalisé ou facilité au moyen notamment de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger. L’infrac­tion est désormais passible de 7 années (au lieu de 5) d’emprisonnement et d’une amende maximale de 2 millions d’euros, peine qui est doublée lorsqu’elle est prononcée à l’encontre d’une personne morale », souligne Rémi Llinas, avocat associé du cabinet Moulinier & Dulatier. Mais cette loi ne s’arrête pas là… « L’arsenal législatif est impressionnant puisqu’il est prévu la création d’un procureur de la République financier (entrée en fonction le 1er février 2014) rattaché au Tribunal de Grande Instance de Paris, chargé de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. En outre, il est également prévu la création d’un véritable statut protecteur pour les lanceurs d’alerte. La loi institue ainsi un mécanisme visant à protéger de toute sanction ou mesure de rétorsion la personne (salariée ou fonctionnaire) qui relatera ou témoignera de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont elle aura eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions », poursuit Rémi Llinas.
Enfin, sur le plan pratique, la loi apporte un certain nombre de modifications à la procédure applicable à la poursuite des infractions de fraude fiscale et de blanchiment. Là encore, on utilise des moyens qui étaient jusqu’à présent destinés au crime orga­nisé et à la grande délinquance. Les techniques spéciales d’enquête telles que la surveillance, l’infiltration et les écoutes téléphoniques sont étendues au délit de fraude fiscale. Il est également prévu l’interdiction, pour l’administration fiscale, de transiger en cas de poursuites pénales ou en cas de manœuvres dilatoires du contribuable visant à nuire au bon déroulement du contrôle et l’allongement de 3 à 6 ans du délai de prescription de l’action publique en cas de fraude fiscale.

Quels sont les principaux changements en matière de responsabilité sociale ?
L’année 2014 a été marquée par deux changements majeurs en droit du travail : les nouvelles dispositions relatives à la prévention de la pénibilité et la loi sur la formation professionnelle.
 
La loi du 20 janvier 2014 relative à la prévention de la pénibilité
C’est en 2011, dans le cadre des réformes de la retraite, que les dispositions relatives à la prévention de la pénibilité ont vu le jour. « L’objectif était double : la mise en œuvre de mesures de prévention pour les salariés exposés à des facteurs de péni­­bilité et les faire bénéficier d’une retraite anticipée », explique Johanne Mauchand, avocat associé en droit social du cabinet Orsay. Mais cette mise en œuvre s’est avérée compliquée… « En effet, il a fallu définir la pénibilité de façon objective. Qu’est-ce que la pénibilité pour telle ou telle profession ? À partir de quand peut-on parler de pénibilité ? Il faut bien voir que l’on rentre dans des considérations sans fin et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette nouvelle loi a donné lieu à beaucoup de discussions entre les partenaires sociaux », précise Johanne Mauchand.
La loi du 20 janvier 2014 a donc posé la création d’un compte prévention pénibilité applicable à toutes les entreprises et a annoncé que les différents facteurs de pénibilité seraient définis par décrets successifs. « Dix facteurs ont été listés, notamment le travail de nuit, la manutention manuelle de charges, et des décrets en 2014 sont intervenus pour définir le caractère de pénibilité (seuils, postures…). Et dans ce cadre, il convient d’être le plus objectif possible car l’impact est très fort tant au niveau du salarié qu’en termes de responsabilité pour l’employeur. Concrètement, il va falloir comptabiliser les points des salariés qui vont se cumuler pour leur donner accès à des formations, à la possibilité d’accéder à un travail à temps partiel avec maintien de salaire et/ou valider des trimestres d’assurance retraite », poursuit Johanne Mauchand. Du côté de l’entreprise, l’employeur doit évaluer le nombre de salariés exposés à des facteurs de pénibilité et en fonction de l’effectif de l’entreprise et du nombre de salariés concernés, il aura des obligations, notamment celle de tenir ce compte et d’actualiser les fiches par salarié. « Les sanctions sont de deux ordres. En premier lieu, concernant l’entreprise personne morale, il y a une sanction pénale si l’employeur ne respecte pas ses obligations. Il s’agit d’une contravention de 5e classe qui est d’un montant maximum de 1 500 euros par salarié. En pratique, pour une PME, l’Inspection du travail procède d’abord à une injonction de se mettre en conformité, la sanction n’intervenant que si l’entreprise ne respecte pas cette injonction. En second lieu, le dispositif compte pénibilité entre dans le cadre plus général de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur en matière de santé des salariés. Concrètement, cette obligation étant une obligation de résultat, il ne suffit pas qu’il fasse de son mieux, il faut que l’employeur assure la sécurité et la santé de ses salariés. Dès lors, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sa responsabilité peut être recherchée par le juge et cela peut caractériser une faute inexcusable de l’employeur. Enfin, le salarié peut également se retourner contre son employeur s’il estime qu’il a perdu une chance d’obtenir l’avantage auquel il avait droit », conclut Johanne Mauchand.


La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation profes­sionnelle a réformé en profondeur la formation professionnelle en remodelant les obligations de l’employeur, les droits des salariés et le financement de ce dispositif.  « L’objectif de cette loi est de renforcer le rôle de l’entretien professionnel que l’employeur doit organiser en plus de l’entretien d’évaluation annuel. Il existe deux types d’entretiens : le premier doit avoir lieu tous les 2 ans et il est consacré aux perspectives d’évolution professionnelle et le deuxième type d’entretien, qui est un suivi récapitulatif du parcours professionnel du salarié, doit avoir lieu tous les 6 ans », indique Johanne Mauchand. De ce fait, cette loi donne de nouvelles responsabilités à l’employeur. « Un entretien individuel obligatoire tous les 2 ans, avec chaque salarié, dont l’objet sera l’évolution professionnelle envisageable en termes de qualification et d’emploi. Une formalisation doit accompagner l’entretien par un rapport écrit remis au salarié. Une analyse du parcours professionnel tous les 6 ans portant sur 3 critères : vérifier que le salarié a suivi au moins une formation, a évolué au plan salarial ou professionnel et/ou a obtenu des éléments de certification par la formation ou un équivalent VAE. Au terme de cette analyse, l’employeur doit rédiger un compte rendu, dont une copie doit être remise au salarié. Si jamais l’employeur n’a pas fait bénéficier le salarié d’un de ces critères, il devra créditer le compte formation professionnelle du salarié de 100 heures.  Cette sanction ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés », poursuit Johanne Mauchand.
Quel est le risque si l’employeur ne respecte pas les obligations mises à sa charge par les nouvelles dispositions sur la formation professionnelle ? « Le risque est que le salarié recherche la responsabilité de l’employeur sur le fondement de la perte de chance de faire valider son parcours. Telle peut être une demande parmi d’autres du salarié devant le conseil de Prud’hommes », conclut Johanne Mauchand.

Linda DUCRET

En quoi les lanceurs d'alerte posent-ils des problèmes juridiques ?

« Vigies citoyennes » pour certains, « traîtres et délateurs » pour d'autres, les lanceurs d'alerte sont une figure juridique nouvelle en droit français qui mérite d'être étudiée. Ils renvoient notamment à la question fondamentale du traitement juridique du risque : le risque qui justifie l'alerte (pour la santé, l'environ­nement, les finances publiques, les libertés individuelles...), le risque encouru par le lanceur d'alerte (sanctions disciplinaires ou pénales en cas d'alerte jugée abusive) et le risque encouru par la structure où se déploie l'alerte (État, entreprise...) qui peut évidemment être déstabilisée.


Source : http://www.lemondedudroit.fr/index.php?


Delphine Pollet-Panoussis, Maître de conférences à l'université de Lille II

Lu 5539 fois Dernière modification le mardi, 22 septembre 2015 14:33
Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…).

Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs.

Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne.

Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.

 

 

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