Sécurité des salariés  : les responsabilités de l’employeur

Sécurité des salariés  : les responsabilités de l’employeur

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L'employeur est tenu de prendre toutes les mesures adaptées pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés, notamment au regard des risques identifiés en lien avec les activités de l'entreprise. Mais si cette sécurité n’est pas assurée, quelle est la responsabilité de l’employeur ? Ce dernier doit-il mettre en place des mesures particulières au bureau, sur les points de vente, lors des déplacements des collaborateurs ? Telles sont les questions que la rédaction de GPO Magazine a posées à Hélène Négro-Duval, Hervé Duval et Stéphane Bloch, avocats associés du cabinet KGA. Explications…

Au préalable, il convient de dire quelques mots sur le contexte et la portée de l’obligation de sécurité.

De la santé physique à la santé mentale des travailleurs : une nécessaire évolution
C’est à partir de la fin du XIXe siècle qu’est apparu en France un droit du travail ayant pour objet d’apporter une protection au salarié et à sa santé physique : ainsi, après la loi du 22 mars 1841 sur le travail des enfants employés dans les manufactures, plusieurs lois ont, dans le même objectif de protection de la santé des travailleurs et notamment la santé des femmes et des enfants, édifié, à partir de 1892, une règlementation sur la durée du travail. En 1946, le droit à la protection de la santé a été inscrit dans le Préambule de la Constitution. Améliorer la qualité des conditions de travail et garantir la santé et le bien-être des travailleurs est ensuite devenu un objectif de l’Organisation Mondiale de la Santé, de l’Organisation Internationale du Travail et de l’Union Européenne. Le 12 juin 1989, la Directive cadre 89/391/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des salariés au travail, a posé le principe d’une obligation de prévention dans l’entreprise avec la mise en place d’un mécanisme d’évaluation des risques. « La Directive du 12 juin 1989, qui concerne non seulement la santé physique mais aussi la santé mentale des travailleurs, a été transposée en droit français : ainsi, en application de l’article L.4121- 1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour « assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». L’article L.4121-2 du code du travail prévoit en outre que les mesures de prévention prises par l’employeur doivent répondre à des principes généraux de prévention dont la liste est fixée par le législateur, notamment : éviter les risques, évaluer ceux qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source… », explique Hélène Négro-Duval.

Quelle est la responsabilité de l’employeur en cas d’atteinte à la sécurité des salariés ?
« La notion d’obligation de sécurité de résultat est apparue pour la première fois dans les arrêts dits « arrêts amiante » du 28 février 2002 de la Cour de cassation. Dans ces arrêts, la Cour de cassation a reconnu qu’en vertu du contrat de travail le liant au salarié, l’employeur était tenu d’une obligation de sécurité de résultat notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par les salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise, et que le manquement à cette obligation avait le caractère d’une faute inexcusable. En effet, selon la Cour de cassation, l’employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposé le salarié et n’avait pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger », souligne Hervé Duval.
L’employeur, tenu à une obligation de résultat, et non de moyens, doit tout faire pour garantir la santé et la sécurité physique de ses salariés et, à défaut, il engage sa responsabilité. Loin de ne concerner que les emplois qui présentent par nature un danger pour le salarié (bâtiment, industrie…), cette obligation de résultat touche l’ensemble du monde du travail et a une influence sur la manière de gérer et d’organiser une entreprise.
Cette obligation, dégagée par les « arrêts amiante » de 2002 a ensuite dépassé le domaine des accidents du travail et des maladies professionnelles et a été étendue par la jurisprudence  à la protection des salariés dans diverses situations : protection contre le tabagisme, contre les harcèlements...

« L’obligation de prévention de l’employeur s’étend aux mesures visant à prévenir le harcèlement moral. En effet, les dispositions législatives relatives à la lutte contre le harcèlement moral ont également pour objet de protéger la santé physique et mentale des salariés. La Cour de cassation juge donc que l’employeur manque à son obligation de sécurité de résultat lorsqu’un salarié est victime, sur le lieu de travail, de violences physiques ou morales exercées par l’un ou l’autre de ses salariés », précise Hervé Duval.

Les situations de stress peuvent également porter atteinte à la santé des travailleurs et la jurisprudence de la Cour de cassation s’est également développée dans ce domaine sur le fondement du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.
Dans un arrêt « Air France » rendu le 25 novembre 2015, la Cour de cassation a souligné l’importance de l’obligation de prévention pesant sur l’employeur, mais sans accueillir les demandes du salarié. En effet, des années après les attentats du 11 septembre 2001, un salarié chef de cabine d’Air France contestait son licenciement en faisant notamment valoir qu’il avait été victime d’un stress post-traumatique lié à ces attentats. Dans cette affaire, la Cour de cassation a jugé que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de sécurité.

« Dans l’arrêt Air France, la Cour de cassation a relevé qu’Air France avait bien pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés et n’avait donc pas méconnu son obligation de  sécurité », indique Hervé Duval.

Quelles sont les obligations que l’employeur doit mettre en place au bureau, sur les points de vente, lors des déplacements des collaborateurs ?  
Sur le lieu habituel de travail, l’employeur est tenu à une obligation générale de sécurité et de santé envers ses collaborateurs. À ce titre, il doit délivrer des informations claires, compréhensibles et accessibles par tous. Au surplus, des formations à la sécurité doivent être dispensées par l’employeur lors de l’embauche et à chaque fois que cela s’avère nécessaire. « Lorsque les salariés sont soumis à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques particulières ou à un environnement agressif, l’employeur est dans l’obligation, depuis 2010, de consigner dans des fiches individuelles les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé ainsi que les mesures de prévention qu’il met en œuvre pour faire disparaître ou réduire les facteurs de risques identifiés », rappelle Stéphane Bloch.

Au-delà des documents à portée individuelle, l’employeur est tenu, en vertu de son obligation générale de sécurité, d’établir un document unique d’évaluation des risques afin que les salariés et les instances représentatives du personnel puissent évaluer les risques encourus et que toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés soient mises en œuvre. Ces mesures qui figurent dans le document unique d’évaluation reprennent le triptyque habituel en matière de risques professionnels. Il s’agit là des actions de prévention, d’information et de formation et enfin, de la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. « L’organi­sation de la visite médicale d’embauche est la première manifestation concrète de l’obligation de sécurité de l’employeur. L’employeur qui ne s’assure pas que les salariés qu’il va recruter ont bien passé l’examen médical d’embauche, qui les déclarera apte ou non au travail qu’ils vont exercer, engage sa responsabilité pénale mais également civile. Bien entendu, d’autres obligations très concrètes sont à la charge de l’employeur dans le cours de l’exécution de la relation contractuelle. Il doit, notamment, veiller à ce que les locaux soient suffisamment aérés, à ce que l’éclairage soit adapté, à ce qu’il y ait du chauffage, à ce que les zones de danger soient signalées ; il doit encore équiper les locaux d’un matériel de premier secours, veiller à ce que l’environnement sonore ne soit pas excessif, faire respecter dans des lieux fermés l’interdiction de fumer… La liste n’est naturellement pas exhaustive car au-delà des prescriptions figurant expressément dans le code du travail, dès qu’un risque est identifié, l’employeur doit prendre les mesures adéquates pour que ce risque ne se réalise pas ou que des mesures adaptées soient prises pour en atténuer les conséquences », souligne Stéphane Bloch.

Concernant la problématique des points de vente (traitée sous l’angle du recours par une entreprise utilisatrice à des salariés qui dépendent d’une autre entreprise), se pose de façon évidente la répartition des responsabilités. En effet, l’employeur « final » doit veiller à ce que les forces de vente déployées ne soient pas en danger sur le lieu de travail dont il a la maîtrise.

Enfin, s’agissant des déplacements des colla­borateurs, une distinction peut être faite, en raison des troubles qui secouent la planète, entre la France et l’étranger. « Dans le contexte actuel, les salariés expatriés sont soumis à des risques particuliers dans des zones de conflit et l’employeur a une obligation de prévention renforcée. Les salariés concernés doivent être parfaitement informés des risques encourus, qu’ils soient liés à la situation géopolitique ou à la situation sanitaire. Ils doivent par ailleurs être au fait des consignes de sécurité édictées par l’entreprise tant sur le lieu de travail que dans le cadre de la vie courante. Enfin, une attention toute particulière doit être portée aux assurances souscrites, que leur champ porte sur la couverture risque-maladie « classique » ou, dans des situations plus radicales, sur l’assistance et le rapatriement d’urgence », tient à préciser Stéphane Bloch qui ajoute « les risques qu’encourent les salariés en mission à l’étranger constituent, cela va de soi, des risques professionnels qui, à ce titre, doivent être répertoriés dans le document unique d’évaluation des risques ».

Bien entendu, lorsque le salarié se déplace en France (réunion, stage de formation, déplacement chez un client….) il demeure sous la responsa­bilité de l’employeur. Ce dernier doit s’assurer notamment que le parc automobile (voitures de fonction) est bien entretenu, ou encore que le salarié qui entend y avoir accès, est titulaire du permis de conduire.

Lu 16966 fois Dernière modification le lundi, 04 avril 2016 10:19
Linda Ducret

Linda Ducret a une double formation : littéraire (hypokhâgne, licence de philosophie) et juridique (maîtrise de droit des affaires, DESS de Contrats Internationaux). En 1987, elle devient avocate et crée son cabinet en 1990. Elle exerce pendant 15 ans dans différents domaines du droit (droit des affaires, droit pénal, droit de la famille…).

Depuis 2005, elle est journaliste avec comme terrains de prédilections : les dossiers stratégie du dirigeant, propriété intellectuelle, nouvelles technologies, Incentive...Mais également les visions et les portraits d’entrepreneurs.

Écrire est l’une de ses passions. En 2009, elle publie un roman policier Taxi sous influence, finaliste du Prix du Premier roman en ligne.

Elle a publié un recueil de nouvelles : Le Ruban Noir ainsi qu’un polar : L’inconnue du Quai Henri IV.

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