Rupture brutale de relations commerciales : les groupes à l’abri de la contagion ?

Rupture brutale de relations commerciales : les groupes à l’abri de la contagion ?

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Chaque société est juridiquement autonome. Les relations qu’elle entretient avec ses partenaires lui sont donc propres. C’est pourquoi aucune confusion ne peut être faite, même au sein d’un groupe, entre les relations commerciales entretenues par différentes sociétés. Ce principe écarte-t-il cependant tout risque de contagion en cas de rupture brutale de relations commerciales établies ? La Rédaction de GPOMag s’est entretenue sur ce point avec Me Nicolas Lisimachio, associé au cabinet Brunswick.

Comment le régime de la rupture brutale de relations commerciales est-il appliqué lorsque la relation rompue implique un groupe de sociétés ?

Pour mémoire, l’article L. 442-6, I 5° du Code de commerce sanctionne, par une condamnation à des dommages et intérêts, le fait pour un acteur économique de rompre des relations commerciales stables et continues avec son partenaire sans lui avoir préalablement accordé un délai raisonnable : le préavis.

Pour être jugée raisonnable au sens de la loi, la durée du préavis doit notamment tenir compte de l’ancienneté des relations et des spécificités de celles-ci (dépendance économique de la victime). Plus la relation a été longue et intense, plus le préavis doit être important. Or, dans la mesure où c’est la durée du préavis qui constitue l’assiette de l’indemnisation susceptible d’être accordée à la victime, les plaideurs sont parfois tentés d’aller chercher dans une relation entretenue avec une autre société du même groupe des facteurs susceptibles d’aggraver son préjudice (antériorité des relations, volume d’affaires plus important, etc.).

Mais le principe de l’autonomie des sociétés fait obstacle à ce que l’on « additionne » les relations entretenues par différentes sociétés, même si celles-ci appartiennent au même groupe. La Cour de cassation l’a encore réaffirmé récemment.

Citons l’exemple d’une entreprise A qui entretient des relations commerciales établies avec deux sociétés, B et C, appartenant au même groupe. Si B et C rompent brutalement leurs relations avec A, celle-ci ne peut additionner la durée de chacune desdites relations pour se prévaloir d’une ancienneté plus importante et, par voie de conséquence, réclamer le bénéfice d’un préavis plus long. De même, si A est en état de dépendance économique uniquement à l’égard de B, elle ne peut se prévaloir de cette circonstance à l’égard de C.

Existe-t-il néanmoins des cas de contagion ?

Oui, la contagion demeure possible. C’est notamment le cas lorsqu’une société mère s’immisce dans la gestion de sa filiale et participe activement aux relations commerciales que cette dernière entretient (négociation des conditions commerciales, paiement des factures, réception des marchandises, etc.).

En cas de rupture considérée comme brutale, et s’il peut être démontré que la société mère est à l’origine de la décision de rompre, sa responsabilité peut être engagée alors même qu’elle n’est pas, en apparence, partie à la relation rompue. Mais cela suppose de véritables interférences opérationnelles de la part de la société mère. Le simple fait pour cette dernière de notifier l’arrêt des relations ne suffit pas à la rendre responsable au sens de l’article L. 442-6, I 5° du Code de commerce. Les juges apprécient de telles circonstances de manière très stricte, ce qui explique que les décisions qui retiennent la responsabilité d’une société mère sont rares.

Qu’en est-il lorsqu’une société succède à une autre dans le cadre d’une relation commerciale ? Doit-elle tenir compte de l’héritage de la relation lorsqu’elle décide de rompre celle-ci ?

Elle doit en effet en tenir compte. L’autonomie des sociétés ne fait pas obstacle à ce que des relations commerciales entretenues par une première entreprise soient réputées poursuivies par une seconde, pourtant juridiquement distincte.

Cette situation se présente notamment lors d’une cession de fonds de commerce, d’une transmission universelle de patrimoine ou même si un contrat prévoit expressément la poursuite des relations commerciales initialement entretenues avec une autre entreprise.

Dans ces hypothèses, le remplacement de l’une des parties à la relation d’affaires initiale est indifférent dans l’application du régime de la rupture brutale de relations commerciales établies dès lors que les nouveaux partenaires se sont placés dans la continuité de celle-ci.

Ces derniers pourront alors, en cas de rupture brutale, se prévaloir de toutes les caractéristiques de la relation originelle ; en particulier, la victime pourra déterminer l’ancienneté des relations en tenant compte de la durée de la relation entretenue avec la première entreprise.

Lu 13356 fois Dernière modification le mardi, 12 juillet 2016 07:35
Nicolas Lisimachio

Me Nicolas Lisimachio, Avocat - Cabinet Brunswick

Associé du cabinet Brunswick, Me Nicolas Lisimachio est spécialisé dans le contentieux des affaires et plus particulièrement dans la résolution des différends commerciaux (notamment la rupture brutale de relations commerciales établies, la concurrence déloyale et le recouvrement de créances).

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