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L'obligation de sécurité de résultat dans un trou d'air ?

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Par un retentissant attendu du 25 novembre 2015 (Cour de cassation, chambre sociale, 25 novembre 2015, n°14-24.444), la Cour de cassation a semblé bouleverser l’équilibre des forces entre le salarié et l’employeur :

« Mais attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ».

En effet, depuis les arrêts dits « amiante » (Cour de cassation, chambre sociale, 11 avril 2002, n°00-16.535P), la Cour de cassation rapprochait l’obligation de résultat de la faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, conférant au manquement à ladite obligation un caractère absolu.

Dès lors, toute mesure qui serait susceptible de mettre en péril la santé et la sécurité des salariés est interdite à l’employeur, quand bien même la mesure n’est qu’envisagée car, envisager la mesure, peut causer un trouble (arrêt SNECMA, Cour de Cassation, chambre sociale, 5 mars 2008, n° 06-45888).

En conséquence, l’employeur s’exposait à une responsabilité sans faute, la seule survenance d’un dommage suffisant à engager sa responsabilité (Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2006, n°05-43914 ; Cour de cassation, chambre sociale, 3 février 2010, n°08-44019).

Au regard du caractère absolu de cette jurisprudence, la lecture des motifs évoqués ci-dessus peut laisser penser que la Cour de cassation s’oriente vers un revirement, considérant alors l’obligation légale de sécurité comme une obligation de sécurité de moyen renforcée et non plus une obligation de résultat stricto sensu.

Nous restons prudents sur cette interprétation qui ne nous paraît pas correspondre à la réalité. À notre sens, cet arrêt précise le cadre légal de l’obligation de sécurité telle que disposée dans la loi sans constituer un désaveu de la jurisprudence antérieure.

Trois raisons nous guident sur cette voie : (i) la jurisprudence, (ii) l’interprétation de la loi et (iii) la lettre même de ce nouvel arrêt.

La liberté d’appréciation le manquement par le juge du fond

Premièrement, dans le cadre du contentieux collectif, deux arrêts étaient venus nuancés l’engagement systématique de la responsabilité de l’employeur par les juridictions.

Les arrêts Fnac (Cour de cassation, chambre sociale, 5 mars 2015, n°13-26321) et Areva (Cour de cassation, chambre sociale, 22 octobre 2015, n°14-20173) ont ouvert la voie vers une appréciation plus concrète de l’obligation de sécurité de résultat au regard de la lettre du texte.

En effet, l’enjeu de ces arrêts était de déterminer si des plans de restructuration étaient susceptibles, comme le revendiquaient les demandeurs, de causer des troubles psychosociaux aux salariés.

Par deux fois la Cour de cassation n’a pas retenu la responsabilité de l’employeur en estimant que les éléments de preuves fournis par les parties ne permettaient d’établir un quelconque manquement à l’obligation de sécurité de résultat.

L’obligation de sécurité résultat est alors satisfaite quand l’employeur démontre qu’il a mis en œuvre toutes les mesures visant à prévenir les risques. En d’autres termes, le résultat est ici obtenu par la prévention suffisante du risque.

Le rapprochement de l’interprétation de l’obligation de résultat entre contentieux collectif et le contentieux individuel

La seconde raison suit alors la logique de la première : l’interprétation de la loi par les juges du fond.

En effet, la loi impose à l’employeur de prendre des « mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique des travailleurs ». Le résultat attendu par le législateur est que l’employeur sorte d’un mutisme étroit et mette en œuvre toutes les mesures qui, au regard de son activité, permettent d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs.

C’est ainsi que par l’arrêt Air France la Cour de cassation rapporte au contentieux individuel du travail ce qu’elle a déjà porté au contentieux collectif : le champ d’application de l’obligation de sécurité de résultat.

Ainsi, un employeur qui n’a pris aucune mesure engagera sa responsabilité alors qu’un employeur qui a pris toutes les mesure nécessaires à la préservation de la santé et de la sécurité de ses salariés pourra démontrer, en dépit d’un trouble avéré du salarié, s’être acquitté de ses obligations.

La nécessité de démontrer les manquements à l’obligation de sécurité de résultat

La troisième explication résulte directement de la lettre de l’arrêt. Si le principe posé ci-dessus est clair, le cas d’espèce l’est tout autant :

« le salarié, déclaré apte lors de quatre visites médicales intervenues entre le 27 juin 2002 et le 18 novembre 2005, avait exercé sans difficulté ses fonctions jusqu’au mois d’avril 2006 ; qu’ayant relevé que les éléments médicaux produits, datés de 2008, étaient dépourvus de lien avec ces événements dont il avait été témoin, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, propres et adoptés, dont elle a pu déduire l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, légalement justifié sa décision ».

En lien avec la jurisprudence exposée ci-avant, la démonstration du manquement est primordiale. En l’espèce, le salarié ne démontre pas de lien de causalité entre son trouble et les griefs dirigés contre l’employeur, de sorte que le manquement à l’obligation de résultant pesant sur l’employeur ne peut être démontré.

La Cour conserve la qualification d’obligation de résultat – et non d’obligation de moyen – et la recentre sur ce qui est entendu par la loi.

Cet arrêt vient alors incidemment rappeler que les mesures préventives ne sont pas vaines et qu’elles permettent d’atteindre deux objectifs distincts mais complémentaires :
- La diminution des risques sanitaires et, par conséquent, des accidents et maladies liés au travail ;
- L’exonération de responsabilité d’un employeur qui aura pris les mesures utiles pour prévenir les risques.

L’arrêt Air France, comme les précédents, reste toutefois muet sur les mesures qui sont suffisamment pertinentes pour exonérer l’employeur de sa responsabilité. Ce mutisme est toutefois logique car les mesures sont appréciées au cas par cas, suivant l’activité, le contexte et les enjeux de l’entreprise, de sorte qu’aucune généralité normative ne serait efficace.

Il en ressort que l’obligation de sécurité de résultat est toujours bien vivante et que la prévention du risque sanitaire, qu’il soit physique ou psychologique, est impératif majeur.

La politique de prévention doit toutefois être régulièrement auditée et évaluée afin que l’employeur garantisse la conformité des mesures mises en œuvre au regard de son activité et, a fortiori, au regard de la loi.

Par Yves BOURGAIN, Avocat associé - Cabinet LLC & Associés, Bureau de Boulogne-sur-Mer
et Romain WAÏSS-MOREAU, Avocat - Cabinet LLC & Associés, Bureau de Paris


Lu 9383 fois Dernière modification le jeudi, 11 février 2016 16:15
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